Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 novembre 2008 2 11 /11 /novembre /2008 00:00
J'ai tellement attendu cette opération, que le jour où l'on m'embarque côté bloc, je suis ravie.

Complètement inconsciente de ce qui m'attend...

Je suis installée dans une chambrette, seule.
Rien que ça, ce premier soir, me fait sourire de plaisir.
Plus de bruits permanents, nuits comprises.

Je ne dîne pas, à jeun, mais ça n'est pas important.

Moins drôle : un lavement intestinal, mais je sais que c'est le protocole normal.
Un peu gênant, mais l'infirmière qui pratique est gentille et pleine d'humour, ma gêne passe, c'est le cas de le dire.

Je suis un peu euphorique, comme à la veille d'une grande surprise ou d'un départ imprévu...

Prémédiquée de bonne heure, je suis embarquée vers la salle d'opération, tôt, ce matin de janvier...

Hurlements, mais qui hurle ainsi ?

L'espace d'une seconde, je réalise que c'est moi qui crie d'une voix éraillée, cela doit faire un moment que je m'égosille entre deux semi-évanouissements.

Ma gouttière est tellement inclinée que j'ai la tête au ras du sol, me semble-t-il, et mes pieds, très loin, tout là-haut.

Je suis attachée sévèrement, mes mains liées au bord de la gouttière.

Je vais devenir folle, là, maintenant, tout de suite.

C'est absolument impossible de vivre une minute de plus, tellement la douleur est brutale, violente ; elle est partout, dans les moindres recoins, elle irradie glorieusement.

Elle est maître à bord de mon corps.

Entre deux vomissements, je peux voir ma jambe traversée par quatre broches assez grosses et très longues.

Celles-ci sont fixées dans un cadre métallique, lui même accroché par des cordelettes et des poulies à une énorme structure métallique entourant la gouttière. 
Cela ressemble à un échafaudage.

Là où les broches passent, les trous suintent, le sang finit par dégouliner le long de ma jambe, par en dessous, j'ai envie d'arracher tout ça, de me gratter là où les gouttes rouges circulent.

Je hurle, je vomis, je veux mourir, vite, vite.

Pendant deux mois, le chirurgien-tortionnaire viendra matin et soir, y compris le samedi et le dimanche, tourner les écrous dans lesquels passent les broches pour écarter les extrémités tibia-péroné (qu'il a sciés) l'une de l'autre, pour que l'allongement se fasse.

Trois semaines après le début de cette horreur, mes parents sont venus me voir.
J'ai vu à leurs regards qu'ils étaient surpris.

J'appris plus tard qu'on leur avait demandé de ne pas venir trop tôt, que ce serait trop dur pour eux comme pour moi, car j'étais défigurée par la douleur.

De fait, mon père était venu en catimini, avant, mais ne s'était pas laissé voir, il était reparti, tout retourné.

Sans doute est-ce incompréhensible, à notre époque, ce comportement.

Ils revinrent très régulièrement ensuite, m'emmenant mon chat une fois, contre vents et marées papa le passa, caché dans son pardessus.

Je sais bien que si je les avais vus plus tôt, cela n'aurait fait qu'empirer ma situation.

Deux mois pour "gagner" sept centimètres.

La peau s'était déchirée, pas assez extensible pour subir ce traitement, huit trous suivis d'une déchirure.

Le dernier tour d'écrou fait, je piquai littéralement une crise de nerfs, le chirurgien me maintint serrer contre lui jusqu'à ce que je me calme et m'endorme.

Je n'avais plus que la peau sur les os.

Le seul antalgique auquel j'eus droit pendant ces deux mois et, encore pas tous les jours, fut...
Une tasse de tisane : "calmiflorine".

Mon calvaire n'était pas fini, seul, pouvais-je espérer, le pire était passé.



 

Partager cet article
Repost0

commentaires

T
Oui, inhumain... Est-ce qu'il y a une "résilience" pour ce genre de souffrances ?... C’est étonnant d'ailleurs, j'ai plein de souvenirs d'enfance à peu près dans les mêmes années que Babeth, où l'hôpital était un lieu peuplé de hurlements (dont les miens)... À l'époque, il semble que non seulement, ça ne les gênait pas, mais qu'ils devaient même en tirer un "certain plaisir"...<br /> À ce niveau-là, ça a bien changé, pas toujours pour du mieux... il suffit maintenant de crier un peu trop fort pour "qu'ils" appellent la police ou vous assomment avec une camisole chimique... Mais, il n'y a pas de règles, car, ils sont également capables "d'oublier" de vous donner un somnifère, pour vous punir de l'avoir ramené, parce que vous souffrez trop...<br /> Cette forme de "toute-puissance" sur la souffrance des autres est un des aspects les plus dégueulasses de nos "personnels soignants"...
Répondre
B
<br /> La ville où je vis n'a qu'un hôpital.<br /> <br /> Je crois que la prise en compte et en charge de la souffrance dépend pour beaucoup des chefs de service. (bien écrit cette fois).<br /> <br /> Donc, ici, la souffrance est vraiment prise en compte et, ce, depuis plusieurs années.<br /> <br /> J'ai eu la malchance d'être hospitalisée dans différents services : urgences, néphrologie, chirurgie osseuse, chirurgie "molle", O.R.L., rhumatologie, etc... j'ai pu bénéficier à<br /> chaque  fois d'antalgiques et surtout de prévention de la douleur. (pompe à morphine entre autres).<br /> <br /> C'est aussi important, évitant ainsi que cela ne devienne insupportable.<br /> <br /> D'autres aspects de l'hospitalisation laissaient à désirer... mais, la douleur est prioritaire dans les à-côtés d'une intervention.<br /> <br /> Les individus qui laissent consciemment souffrir auraient, sans doute, rejoint les S.S. pendant la guerre.<br /> <br /> Cette engeance malfaisante n'a pas sa place en ces lieux. Je me demande où elle est d'ailleurs...<br /> <br /> <br />
D
Punaise ! C'est inhumain !
Répondre
B
<br /> D'autres interventions du même genre avaient eu lieu sur des "membres" sains; sans toutes les complications que j'ai subies par la suite...<br /> <br /> A ma connaissance, je suis la seule polio à avoir bénéficié de ce protocole. Je n'en suis pas  fière.<br /> <br /> <br />
J
C'est certain qu'aujourd'hui il y a eu un énorme travail de fait sur la douleur, du moins dans les hopitaux et cliniques.<br /> Les enfants (et adultes) sont plongés dans un coma, ensuite, sevrés progressivement, ils sont sortis de leur sommeil artificiel. Ils ont ainsi franchi les étapes les plus douloureuses du parcours.<br /> Mais je ne sais pas pourquoi, en France le corps médical a un réel problème face à la douleur. La douleur ne sert strictement à rien.<br /> Elle anéantit, un point c'est tout.<br /> Par contre, c'était totalement inhumain à "ton" époque. Les "bonnes consciences" avaient décrété que les enfants ne souffraient pas. Et ce principe a eu la vie longue.
Répondre
B
<br /> <br /> Comme toutes les civilisations judéo-chrétienne il nous faut, ou fallait, souffrir pour gagner le paradis.<br /> <br /> Plus les femmes que les hommes avec l'accouchement.<br /> <br /> C'est en train de changer, vraiment.<br /> <br /> Mais nous avons des décennies de retard sur d'autres pays, comme l'Angleterre par exemple où l'emploi d'antalgiques forts ne posent aucun problème le temps nécessaire.<br /> <br /> A Berck, je n'étais plus une enfant, biologiquement parlant.<br /> <br /> Le médecin chef avait été gravement blessé durant la guerre et opéré sans anesthésique.<br /> <br /> Sous ce prétexte, il exigeait de nous un courage inhumain.  Le directeur administratif étant son frère, suivait ses consignes et aucun antalgique n'encombrait les placards à pharmacie.<br /> <br /> Toujours ça de gagné sur le budget peut-être?<br /> <br /> <br /> <br />

Présentation

  • : Au jour le jour et les nuits aussi : http://babsdragon.ek.la/
  • : Un petit peu de tout http://babsdragon.ek.la/ ... ce qui surgit et qui s'impose.Avertissement d'un ami : il est conseillé de lire certains textes sous Prozac®. L’auteur n’est pas responsable du désespoir qui résulterait de la lecture de ces lignes...Merci pour votre intérêt.Babeth
  • Contact

Diverses infos pratiques...


 
@ Pour m'écrire directement

@ Lien direct avec le Forum d'Over-blog

Depuis le 03/08/2008, nombre de visiteurs qui ont lu ces pages ou qui sont arrivés ici par hasard

Actuellement, il y a  personnes connectées à Over-Blog, dont  sur ce site.
 

Recherche

Les Sites Que J'aime Bien...