Fin de l'année 1967. La vraie vie, c'est ça ?

Cette année pleine de tribulations se termina.

Après le coup de force de ma mère, m'obligeant à rester en relation avec ce jeune homme venu pleurer à la porte, n'acceptant pas que notre relation épistolaire se finisse je continuai à écrire.

Me prenant au jeu, c'est trompeur le courrier entre deux personnes qui ne se connaissent pas, notre relation prit une tournure intime, chacun se montrant à l'autre sous son plus beau jour certainement.
Les dés étaient pipés puisque j'avais été tirée au sort en quelque sorte.

Mais bon, inconsciemment, lui aussi se trouva pris dans cette toile qui allait engager notre avenir.

Je fus présentée à sa famille, nous passâmes un ou deux courts séjours chez sa soeur à l'époque où j'étais à Ouzouer des champs.
Il vint au moment de Noël chez mes parents et nous dormîmes ensemble.

Repartit en Bretagne nous continuâmes à nous écrire.
Ma mère, toute contente, m'apportait ses lettres en faisant des jeux de mots sur son nom...

Ce qui devait arriver arriva, je fus enceinte.

Ni une ni deux, ma mère, toujours elle, sans en discuter ni avec moi réellement, ni avec mon père, m'expédia en Bretagne, chez les parents de son " futur gendre ".

Pourquoi me suis-je laissée mener par le bout du nez ? Pourquoi n'ai-je pas réagi ? Je n'ai pas de réponse.
Encore maintenant, lorsqu'il m'arrive d'y repenser, je n'ai pas de réponse.

Nous étions embarqués dans un bateau, sans escales déterminées par notre volonté.

C'était comme ça.

Sa mère me vit arriver et rester sans plaisir.
Elle n'avait pas de quoi sauter au plafond, son naturel n'était pas de ce genre là.

 Lui arrivait le vendredi soir de sa ville universitaire et repartait le dimanche soir.

Je me morfondais toute la semaine. Pas de moyen de locomotion, pas d'argent.

Je sortais à peine d'une vie où tout était planifié, à horaires fixes.
Là j'étais jetée dans la cage aux lions d'une réalité dont j'ignorais tout.

Je n'en connaissais pas le fonctionnement. Je ne savais pas m'y comporter.

Je m'enferrai dans une tristesse, une morosité, un silence qui me torturaient.

Ce n'était pas comme ça " dehors " quand même ?

Où étaient les rires, les joies, les peines partagées, les pleurs des séparations, les gâteaux d'anniversaires, les fous-rire, les sorties en permission avec les copines de dortoir ?

Le temps passait, j'étais un chien sur une piste de bowling.

Janvier, février, mars débutant, ses parents ne savaient toujours pas qu'ils allaient être grands-parents, personne ne posait de question sur ma présence pour le moins étonnante, en tous les cas pas quand j'étais là.

Je me faisais des plans dans ma tête pour fuir. M'en aller. Disparaître.

Où ? Comment ? Vers qui ?

Pas encore dix-huit ans et déjà larguée par l'existence.

Où étaient passés mes envies de vivre, de faire des " choses " ... 
Ma volonté, mon dynamisme, envolés...